la maison euréka

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Photo: Yonay Pinto

Le sept du mois de juin, au cœur du Mauricia, par une belle matinée ensoleilléE
En voiture, nous prîmes le chemin vers la maison rêvée, le paradis perdU.
Comblés par la joie d’être à l’Ile Maurice : diversité culturelle, amabilité, chaleuR
Les paysages excentriques, la richesse des terres, tant des choses à énumérer, à dirE
En contemplant Moka, la nostalgie des temps passés dans les récits de Le Clézio défilent en feedbacK
Zone idyllique, source d’inspiration où des arbres ancestraux, des palmiers, des fleurs ornent la villA
Images figées à jamais, maison coloniale s’imposant dans un tiroir de notre jardin
Odyssée permettant de perpétuer ce paradis, de vivre mot à mot tant de beauté…

Yonay Pinto

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Photo: Yonay Pinto

« le maurice de j.-m. g. le clézio démystifié »

eileen lokha

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Photo: Justine Feyereisen

Dans le cadre des rencontres de l’Association des lecteurs de J.-M. G. Le Clézio à l’Île Maurice en juin dernier, nous nous sommes rencontrés dans le berceau mythique de la famille, Euréka au nom bien trouvé. Accueillis par le propriétaire actuel des lieux, Jacques de Maroussem, nous avons eu l’occasion d’entendre certains détails de la saga familiale, auxquels Le Clézio fait souvent référence dans ses romans, en vue du ravin qui séparait le domaine de celui de Pierre Poivre, l’Intendant de l’Isle de France, celui qui a ramené les épices des îles hollandaises pour les propager au Jardin des Pamplemousses. Arrêt incontournable devant « l’arbre chalta du bien et du mal », un gaufrier des Indes aux fruits ronds et vert luisant qui étale son ombre pour le flâneur.

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Photo: Justine Feyereisen

La grande maison de style colonial, maison créole « aux 109 portes » pour permettre une ventilation adéquate en été, n’est plus aussi pimpante qu’elle l’a été : certains volets s’affaissent, les gouttières également, les bardeaux manquent par endroits, la toiture doit être soutenue par des étais en acier, signes du temps qui passe et des difficultés (financières) à préserver le patrimoine architectural dans une île où le climat n’est pas toujours clément envers le bois et la peinture. De nombreux tableaux ou autres lithographies n’agrémentent plus les murs et nombreux sont les espaces vides, là où autrefois se dressaient des meubles sombres. Je me rappelle avoir couru jeune fille entre ces murs et dans le jardin, pleine de vie et d’énergie. La maison devenue « musée » semble avoir perdu son âme. La cuisine garde son apparence d’antan mais sert maintenant les rares touristes à déjeuner sous la varangue ; une boutique de souvenirs accentue la transformation de demeure familiale à attraction touristique.

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Photo: Justine Feyereisen

Je ne peux m’empêcher de comparer Euréka au château Labourdonnais, autre maison coloniale, rénovée elle dans sa splendeur originale par la famille Wiehe. Si elle fait office de musée elle aussi, les parquets brillent, reconstruits entièrement par des artisans de talent. Des fleurs accueillent le visiteur et la vaisselle de tous les jours, comme celle des grands jours, repose encore dans les placards de la pantry. La famille à l’unisson a choisi de vendre certaines terres à canne et de rénover la demeure, dans un geste de solidarité pour le patrimoine. Les « histoires » de la famille Le Clézio en revanche n’ont pas été propices à Euréka…

La deuxième journée a permis aux aficionados des grands espaces d’aller arpenter l’île Plate, espace relié à la trame romanesque de La Quarantaine. Petite île basaltique au nord de Maurice, l’île abrite encore des ruines des anciennes constructions britanniques qui servaient de quarantaine pendant les épidémies de choléra parmi les engagés qui arrivaient de l’Inde. Des hommes d’affaires entreprenants ont ouvert un restaurant parmi ces ruines ; les tables pimpantes contrastent avec les murs noircis et permettent aux clients de déjeuner à ciel ouvert : tout, y compris l’eau, est transporté de la terre ferme et tout doit retourner en fin de journée, même si un espace est réservé à l’entreposage temporaire des victuailles et des déchets. Le phare, que l’on voit de loin, est accessible à celui qui veut braver les longues herbes qui couvrent la colline. Le rocher aux Pigeons dresse sa dent de basalte au battant de la lame, protégé des dizaines de catamarans mouillés au large de l’îlot Gabriel. Bien heureusement, les pailles-en-queue nous rassurent : l’endroit reste sauvage et permet à celui qui le désire d’apprécier la grâce de ces oiseaux mythiques, reliés à l’île Maurice profonde, aux endroits les plus difficiles d’accès. Leur ballet sur fond d’azur suffit à nous faire oublier que l’île arrive difficilement à protéger son territoire de l’invasion sournoise des activités commerciales.

Peut-être, après tout, est-ce J.-M.- G. Le Clézio qui a raison ? Polie, exaltée par le souvenir et par l’imagination, c’est bien dans le roman que l’île brille de sa douce beauté.

« rencontre avec issa asgarally et sarojini bissessur-asgarally »

isabelle roussel-gillet

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Photo: Yonay Pinto

Nous voudrions remercier celles et ceux avec lesquels nous avons pu échanger à Euréka : Issa Asgarally et Sarojini Bissessur-Asgarally, Joonghoon Kang, Jeju comittee chairman of PEN Headquarters in South Korea, et Jacques de Maroussem, notre hôte.

Lors de la présentation de la Fondation pour l’Interculturel et la Paix à la maison Euréka, ce 7 juin 2013, après la lecture de la nouvelle « Issa Fergane rêve » écrite en 1991 par Jean-Marie Le Clézio, Issa Asgarally a rappelé comment est née la Fondation (dans l’amitié de Jean-Marie Le Clézio, Issa Asgarally et Sarojini Bissessur-Asgarally), les événements qui l’ont amené à écrire L’Interculturel ou la guerre, puis il a échangé avec la salle. Une quarantaine de personnes étaient présentes, des membres de l’association des lecteurs de J.-M. G. Le Clézio venus de divers pays et une délégation sud-coréenne, hôte de Sarojini et Issa Asgarally.

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Photo: Yonay Pinto

L’écrivain Joonghoon KANG, après avoir évoqué son admiration pour l’œuvre de J.-M. G. Le Clézio, a exprimé le désir d’un horizon ouvert aux échanges littéraires entre les terres insulaires, et tout à la fois entre les îles et les continents. Il a également souligné le lien d’amitié et la fraternité de pensée quant aux tragédies qui ont frappé l’île de Jeju. L’ouvrage Islands, a metaphor beyond the boundaries, publié par le Jeju Committee of PEN, témoigne de ce lien entre l’île Jeju et l’île Maurice.

Il a offert à l’association un exemplaire de l’ouvrage « Jeju PEN mook » (vol.10), que nous avons fait circuler dans le bus pour que chacun puisse le feuilleter. Les écrivains de Jeju ont proposé d’échanger avec les membres de l’association des lecteurs de J.-M. G. Le Clézio. Et depuis notre retour de Maurice, ils ont eu la gentillesse de nous transmettre la liste des traductions en coréen des livres de J.-M. G. Le Clézio (liste de l’ensemble des traductions que nous mettons à jour régulièrement sur notre site associatif).

Puis Sarojini Bissessur-Asgarally a expliqué les actions concrètes menées auprès des enfants.

Lors de cette rencontre à Euréka, l’association des lecteurs de J.-M. G. Le Clézio a remis du matériel de dessin (emporté dans chaque valise de nos membres) pour les ateliers d’arts plastiques pour les enfants. Certains d’entre eux vivent des situations très précaires, aussi Sarojini Bissessur-Asgarally a-t-elle impulsé la création d’une école maternelle qui accueille ces enfants à Rivière noire, d’un atelier de danse pour les enfants de Bambous, et d’un atelier de dessin et écriture à Canot, aidée pour cette tache par Amarnath Hosany. Ces enfants de différents quartiers de l’île Maurice se rencontrent dans le cadre des spectacles qu’ils présentent. L’éducation interculturelle passe aussi par les livres offerts qui viennent de toutes les aires géographiques. En outre, ces enfants parlant le créole y apprennent également l’anglais et le français. Ce travail trouve sa dynamique dans la relation personnelle que Sarojini Bissessur-Asgarally sait établir avec chaque enfant et dans la confiance qu’elle accorde à l’équipe mise en place. Cette qualité d’attention pour chacun et le temps consacré à des moments partagés permettent aux enfants de développer une confiance en eux. Soucieuse de valoriser chacun pour ce qu’il fait, elle peut s’arrêter à tout moment au volant de sa voiture ou à pied dans un quartier pour échanger quelques mots. Sans doute le fait que la loi impose à chaque entreprise de verser 1% à des fondations de ce type d’envergure, nous explique-t-on, favorise-t-il les conditions pratiques de la mise en œuvre mais rien ne se ferait sans « l’âme de la fondation », selon les mots prononcés ce 7 juin par Issa Asgarally, qui œuvre à plein temps, mettant au service de l’éducation et de l’interculturel l’expérience des divers métiers qu’elle a exercés antérieurement. Discrète, elle agit au quotidien, aussi elle vous propose plutôt de l’accompagner dans ses visites aux enfants, et parle de la concentration de l’un, du sourire retrouvé chez un autre enfant, d’une autre qui ose désormais vous parler… Tous ces signes que seul l’accompagnement sur le terrain permet de suivre, pas à pas.